Avant la Révolution, les terres où l’on a construit la cité du Grand Clos font partie de la paroisse de Saint-Donatien, indépendante de Nantes, dont le vaste territoire s’étend de la route de Paris à la route de Rennes, des limites de Carquefou à la Loire. Les paroisses sont alors des unités administratives qui correspondent à peu près à nos communes d’aujourd’hui. La paroisse est partagée entre plusieurs seigneurs; dans la partie Est, on trouve la seigneurie de Porterie et de l’Étang-Hervé, avec la famille Despinoze (leur château est aux Renaudières en Carquefou); la Haie-l’Évêque, ou Halvêque (comme son nom l’indique, elle appartient à l’évêque de Nantes); la seigneurie de Belle-Isle et de Port-Durand, avec la famille de la Tullaye dont les terres s’étendent de l’Erdre au Plessis-Tison.
La réforme administrative de 1791 rattache Saint-Donatien à Nantes, et ses habitants deviennent donc nantais. Toute cette partie Est restera très rurale jusqu’à la fin du 19ème siècle. Les noms de lieux-dits désignent des fermes, petites borderies et grandes métairies. Les Marsauderies étaient la « tenue aux Marsaud », la Bertinière ou Bertinerie celle des Bertin, et l’on peut imaginer que l’Éraudière fut habitée jadis par une famille Raud ou Éraud: le patronyme est fréquent dans la région. Si Saint-Joseph de Porterie a pratiqué longtemps la polyculture (céréales, vigne) avec un peu d’élevage, le secteur situé entre la Beaujoire et Doulon s’est converti assez tôt au jardinage, puis au maraîchage; la grande ville voisine, avec ses besoins en légumes et en fruits, était un marché intéressant
La rue de Koufra a été jusqu’à la Révolution le début du Grand Chemin de Carquefou et de Châteaubriant. La route de Saint-Joseph, nommée alors Bas-Chemin de Porterie, ne constituait qu’un « itinéraire-bis ». Ce Grand Chemin de Carquefou se détachait de la route de Paris au lieu-dit Tournebride (un relais de poste ?), près de l’école actuelle des Marsauderies.
La fin de l’année 1877 voit le chemin de fer traverser le quartier; il franchit l’Erdre sur un beau viaduc métallique. Le chemin de fer attire les usines, et en 1920, la Société de Construction des Batignolles fait bâtir une grande usine de construction de locomotives sur la propriété de Saint-Georges, tout près de la terre du Grand Clos. Elle est accompagnée d’une véritable zone industrielle avec l’usine Brandt (Saunier Duval), les charpentes métalliques Trébuchet et Saupin, la grande minoterie de Saint-Joseph. Trois cités en bois (450 maisonnettes, 2 000 habitants) hébergent une partie des ouvriers des Batignolles.
La cité du Grand Clos est la première opération de reconstruction entreprise à Nantes au lendemain de la seconde guerre mondiale; elle s’inscrit dans le projet d’aménagement et de reconstruction de la ville et vise à répondre à l’urgence des besoins en logements. Très affectée par les bombardements, Nantes compte en effet, en 1945, 8 000 maisons endommagées ou détruites sur plus de 1 500 hectares laissant environ 70 000 personnes sinistrées à reloger.
La ville de Nantes est déclarée sinistrée le 4 novembre 1943. Dès 1944, les services techniques municipaux travaillent sur un plan de reconstruction inspiré du plan d’embellissement et d’extension de 1932, et peuvent en présenter les premières mesures au conseil municipal dès avril 1945. Le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) nomme alors à la tête du projet de reconstruction de la ville l’architecte Michel Roux-Spitz (1888-1958), 1er grand prix de Rome, et son adjoint M. Noël, lesquels vont largement s’appuyer sur les études déjà réalisées et ainsi présenter rapidement un nouveau plan d’aménagement aux Nantais par une exposition avant de le soumettre à l’avis du MRU.
Le projet de reconstruction de Nantes établi par Roux-Spitz est finalement adopté par le conseil municipal en février 1946. En tant qu’architecte-urbaniste en chef, il a eu la charge d’élaborer ou de superviser des projets de logements, de commerces: le Grand-Clos, la rue du Calvaire, la cité des Hauts Pavés... mais aussi des équipements publics: la Poste, le Centre Hospitalier Régional.
Caricature montrant Coutan, architecte nantais, présentants le nouveau plan de reconstruction de la ville de Nantes à Ceineray et Crucy. Il est suivi de Roux-Spitz, Lepiot-Guesnant et de quatre présidents (Mardaga)
Caricature extraite de "Michel Roux-Spitz, architecte, 1888-1957" Michel Raynaud, 1983
Le terrain destiné à recevoir la nouvelle cité est choisi à l’intérieur du périmètre de compensation, terme précisément défini par la loi sur les dommages de guerre prévoyant des quartiers de relogement en dehors du centre-ville. Il s’agit d’un terrain d’une superficie de 13 hectares, proche de l’usine des Batignolles et de la route de Paris. Le site choisi est distant d’environ quatre kilomètres du centre-ville, auquel il est relié par la ligne de tramway. Etant donné la situation d’urgence, dès le mois de mars 1946, l’Etat ordonne la réquisition du terrain pour cause d’utilité publique et l’expropriation est prononcée par ordonnance le 27 avril 1946.
Le projet est confié à une équipe d’architectes à la tête de laquelle est nommé Roux-Spitz déjà architecte urbaniste en chef de la reconstruction. Pour le projet du Grand Clos, Roux-Spitz se retrouve à la tête d’un groupe de huit architectes nantais et parisiens: Fabry, Ferré, Guillou, Jameau, Liberge, Manceau, Postel-Vinay et Vachez. Le projet est en fait élaboré par Roux-Spitz dans son agence parisienne avec l’aide de ses collaborateurs, les architectes nantais se voyant confier la réalisation des devis descriptifs et la direction des travaux.
L’Etat prévoit de construire 175 maisons dites « de transition »; elles sont proposées aux sinistrés en échange de leur créance de dommages de guerre. L’objectif de cette cité est de reloger des familles nombreuses.