Le MRU avait édifié ces maisons dans l’intention de les vendre à des sinistrés en échange de leur créance contre l’Etat pour dommages de guerre. D’après une lettre du MRU du 4 janvier 1950, il semblerait que seulement 19 familles aient alors accepté ce type de relogement.
L’attribution des 140 logements restants suscita bien des interrogations et provoqua des polémiques relatées dans les comptes-rendus de séance du Conseil Municipal. Malgré des protestations, la convention rédigée par le MRU fut imposée. Elle prévoyait une répartition des logements en deux lots quantitativement équitables: 50% à la disposition du Préfet qui les attribuerait aux fonctionnaires "indispensables" et 50% gérés par l’Office Public d’Habitat à Bon Marché, chargé de les distribuer aux sinistrés nantais et aux familles nombreuses.
Dans l’urgence, la vie s’installe au Grand Clos, dès 1948 pour les plus démunis, qui avaient accepté de quitter le centre-ville pour s’installer à la « campagne », selon l’expression de l’époque.
Ceux qui ont accepté de venir, ont pris possession des lieux en toute connaissance de cause, sans méconnaître les difficultés temporaires : maisons à peine achevées, clôtures inexistantes, voies principales et secondaires non aménagées.... La population s’étoffe, à partir de 1949, avec l’arrivée des familles nombreuses puis des foyers mutés travaillant aux PTT, à la SNCF, dans la police, l’armée et les autres administrations. Avec la construction de l’école, arrivent bon nombre d’enseignants.L’achèvement des travaux se fait attendre, occasionnant une gêne certaine aux habitants, qui toutefois apprécient le cadre "champêtre" et la convivialité entre les familles au milieu des jeux d’enfants.
En 1960, l’Etat décide de vendre toutes les maisons et s’adresse à la Maison Familiale, une société coopérative d’HLM. Les locataires se voient alors contraints d’acheter leur logement sous le régime de location-attribution ou, si leur situation ne permet pas de remplir les garanties financières exigées, de quitter le Grand Clos pour être relogés dans un logement HLM.
Rue de Keren, avenue des anciens commerces (Vide-grenier du 7 septembre 2002)
Boulangerie du Grand Clos
Un article de "L’Architecture Française" de 1947 révèle le projet de Roux-Spitz d’implanter au sud de la Cité un quartier commercial avec services sociaux et école qui constituerait le pendant d’un stade prévu au nord, le but étant de créer des centres d’intérêt que le plan d’ensemble de la cité aurait dû lier. Mais l’arrivée précoce des habitants dès 1948 précipitera la création de commerces sur tout le côté nord de l’actuelle rue de Keren. Les sept maisons d’extrémité seraient attribuées à des familles s’engageant à y ouvrir un commerce.
De lourdes modifications sont donc apportées aux maisons achevées depuis peu : en partie basse sont percées des ouvertures dans l’esprit de celles des autres façades mais destinées à une fonction commerciale. L’unité architecturale voulue par les architectes est respectée par la création d’une fenêtre surplombant la vitrine et située au même niveau que celles des bandes.
Exceptionnellement deux maisons-commerces ont bénéficié d’une extension retour, empiétant toutefois sur leur jardin privatif. Les murs-pignons construits en schiste et exposés au sud-ouest posant des problèmes d’humidité, la pose d’un enduit s’avéra nécessaire. Il en fut de même pour tous les pignons ayant la même exposition. Ainsi, le long de la rue de Keren, se succéderont d’ouest en est (du bas vers le haut), une série de sept commerces de proximité : "Docks de l’Ouest", mini-marché "Danet", boulangerie-pâtisserie, épicerie fruits et légumes transformée en une boutique d’antiquités «Le Village», boucherie-charcuterie, une seconde épicerie, bureau de tabac-journaux.
Le projet d’implantation d’une école, évoqué dès 1947, fait l’objet de l’ordre du jour de la séance du Conseil Municipal du 12 novembre 1948. Monsieur Lerat, adjoint, fait lecture de l’exposé suivant: "Mesdames, Messieurs, la Cité du Grand Clos, construite par le MRU entre la route de Paris et la route de Saint-Joseph, va se terminer tout prochainement et fournir à notre ville un important contingent de nouveaux locaux d’habitation. Aussi convient-il de prévoir, à proximité immédiate, dans ce quartier où la population tend encore à se développer, un établissement scolaire suffisamment vaste pour répondre aux besoins. Le MRU devant prendre à sa charge les dépenses d’érection et d’aménagement de l’école, il suffit à la ville de Nantes de fournir les terrains nécessaires à la construction. Le meilleur emplacement pour cette réalisation nous a paru se trouver entre la route de Paris et la cité du Grand Clos...
"Plan du rez de chaussée, ainsi qu'on peut le voir la partie la plus grande à été réservée à l'espace, à la lumière et à la verdure, en un mot à la joie"
Construction de l’école de Marsauderies
Le projet comporte : une école de garçons de 8 classes, une école de filles de 8 classes, une école maternelle de 4 classes. Un bâtiment commun aux deux écoles primaires abritera les réfectoires, les douches, la salle des fêtes et de gymnastique. L’école de garçons comprendra des salles de travail manuel, bois et fer et celle des filles des salles d’enseignement ménager. L’école maternelle comportera en plus des salles d’exercices, une grande salle de jeux, des vestiaires, des douches et une salle de propreté. Elle sera complétée par un jardin d’enfants avec jeux. Les entrées des 3 écoles seront indépendantes situées chemin de la Bertinière. Le projet prévoit aussi des bâtiments de direction et des conciergeries."
Le 2 février 1950, le journal "Le Populaire" annonce la toute prochaine réalisation du groupe scolaire des Marsauderies selon les plans élaborés par M. André Guillou. Il remplacera l’école de la Pilotière et celle de Port Boyer (cette dernière, installée dans des baraquements, ne disparaîtra qu’avec l’ouverture, en septembre 1974, de l’école actuelle). La première pierre sera posée en 1952 et l’école élémentaire ouvrira ses portes pour la rentrée de 1953.
La salle Bonnaire en 1959
Les catholiques de la cité du Grand Clos se rendaient à l’église Saint-Georges des Batignolles. Elle était située au milieu des cités en bois: Halvêque, Baratte et Ranzai. Sa construction en bois rouge s’intégrait bien dans le quartier. Devenue trop exigüe, elle est remplacée en 1935 par une construction en briques. Une fresque murale réalisée en 1948 par l’abbé Bouchaud, qui témoigne de la vie des familles et des travailleurs de l’époque, est toujours visible dans ce bâtiment devenu un lieu culturel. Une reproduction de cette œuvre se trouve dans le hall de la nouvelle église Saint-Georges de la Beaujoire.
La première église Saint-Georges
L’église Saint-Georges, en briques, au début des années 50
L’abbé Pierre Yvernogeau, curé de Saint-Georges, projette de faire construire un lieu de culte plus proche de la cité du Grand Clos; c’est ainsi qu’à l’automne 1960, "dans un grand champ à moissonner" est édifiée la modeste première église Saint-Bernard. La vie paroissiale commence alors, de nombreux laïcs s’y engagent. Dans les années 1995-1997, le projet d’une nouvelle construction prend forme. Bernard Hervouet, curé, est missionné par Monseigneur Marcus pour le mener à bien. Dès 1998, le chantier démarre, la première pierre est posée le 31 janvier 1999, le 6 mai 2000 a lieu l’inauguration.
La première église Saint-Bernard
La nouvelle église Saint-Bernard
Route de Paris, fête de quartier organisé par l’Amicale Croissant - Grand Clos - Pilotière en 1948
Le premier vide-grenier du Grand Clos en septembre 1999 / Ouest-France du 13 septembre 1999
Nous remercions vivement toutes les personnes qui nous ont confié leurs témoignages et qui ont eu plaisir à se souvenir de leur jeunesse au Grand Clos d’hier... Elles apprécient toujours d’y habiter aujourd’hui : Luce BLOUET, Anne et Pierre BOYE, Yvonne BREILLY, Paule CHARPENTIER, Annick KEROUREDAN, Colette et Pierre LE LELOUARN, Juliette et Jean-Yves LE MAOUT, Paulette MAUPETIT, Hélène MOREL, Famille MORINAUX, MarieLouise PINEAU, Paule et Francis PRALONG, Madeleine ROIG.
Un hommage particulier à Madame Marie-Louise PINEAU qui aura 100 ans le 17 août 2010.