Le choix du nom des rues a été défini par délibération du conseil municipal du 6 juin 1950. M. Uzureau, adjoint, donne lecture de l’exposé suivant: "Nous avons été saisis d’une requête de Mr le Directeur Départemental des P.T.T. qui nous a fait connaître que la distribution du courrier, en l’absence de dénomination et de numérotage des immeubles de la Cité du Grand-Clos, s’avérait longue et délicate. M. Le Président de l’Association des Français libres a proposé d’attribuer à ces voies nouvelles les noms des batailles les plus marquantes des Forces Françaises Libres, qui furent des étapes de la Libération de la France. Votre commission spéciale de dénomination des voies publiques a retenu cette suggestion et propose les appellations suivantes :
Inauguration de la Cité du Grand Clos le 18 juin 1950
M. Philippot : "Je me demande si votre choix a été guidé par une haute fantaisie. Les Nantais vont certainement se demander ce que peuvent bien signifier des noms comme El Alamein, Takrouna. Prenez à la rigueur des noms connus : Tobrouk, Bir Hakeim, mais je vous en supplie, abandonnez tous ces mots que la plupart d’entre nous entendent pour la première fois."
M. Blanchais : "Je ne voudrais pas que M. Philippot puisse croire que j’ai la prétention de lui donner une leçon d’histoire. Mais voici l’idée qui nous a guidés : nous avons tout simplement voulu attribuer aux nouvelles rues du Grand Clos, et dans un ordre à peu près logique, les noms des plus grandes batailles auxquelles ont participé les Forces françaises libres dans la période 1940-43. Nous y avons même ajouté la campagne de 1945. C’est ainsi que nous sommes partis d’El Alamein, point où a débuté l’avance de la 1ère Division française libre pour aller jusqu’en Tunisie. La bataille de Takrouna, en particulier, a été très dure. La division qui comportait 12 000 hommes, a fait prisonnier 78 000 Allemands. Cette Division est ensuite passée en Italie et a pris part à la réduction de la ligne Hitler. Enfin, la 1ère Division est venue en France et a combattu dans le Midi. D’autre part, diverses dénominations rappellent les combats les plus marquants de la 2°D.B."
M. Batard : "En tout cas, il est surprenant que vous n’ayez jamais pensé à utiliser les noms de ceux qui sont morts pour la Libération, sur le territoire national… Ce qu’il y a de certain, c’est que tous ces noms sont au moins très difficiles à prononcer; la preuve en est que vous-même, vous vous en tirez très mal… ".
La Résistance de l’Ouest - 19 juin 1950
Le 18 juin 1950, le Grand Clos avait revêtu ses habits de cérémonie, l’association des locataires et propriétaires du Grand Clos recevait de nombreuses personnalités, on y célébrait les dix ans de l’Appel du 18 juin 1940 en inaugurant les voies du lotissement. Ces avenues privées ont été classées dans la voirie urbaine par arrêté du Préfet de la Loire-Inférieure du 12 janvier 1953.
Les journaux publient en première page des photos de l’inauguration.
"Drapeaux, musique du 8ème B.I.C. et piquet d’honneur étaient entourés par la foule des spectateurs qui écouta religieusement le discours du capitaine de frégate Barberot, un des héros du fameux régiment de fusiliers marins de la 2ème D.B.: "Au nom des compagnons de combat du général Leclerc, je remercie la municipalité et les habitants de ce quartier d’avoir à Nantes (pour la première fois en France) rendu globalement hommage aux victoires des Français Libres. Vous avez accepté des noms difficiles à prononcer parfois, mais dont voici la signification légendaire et presque fabuleuse."
"On ne peut s’empêcher d’effectuer un retour en arrière en considérant cette cité dont la première pierre a été posée dans un champ de blé il y a un peu plus de quatre ans par M. François Billoux. Maintenant des avenues sillonnent le Grand Clos, séparant ces fameuses "Maisons de transition" nom qui fut donné à l’époque. Ces voies ont des titres prestigieux. Koufra, Keren, Mourzouk, etc.. le sens de ces dénominations a été donné par le capitaine de Frégate Barberot au nom des Français Libres et au nom du Général de Larminat. Nulle date dit-il ne pouvait être mieux choisie que celle du 18 juin qui marquait il y a dix ans l’appel du général de Gaulle. Mourzouck, Koufra, Bir Hakeim, c’est grâce à ces victoires que la France peut parler haut, c’est parce qu’il y a eu ces noms que la France est libre. Il y a aussi Tobrouk, Keren le "Verdun du Désert", El Alamein, dernière grande victoire avant l’effondrement de Rommel. Les batailles d’Italie, puis celles de France, dont un nom, Baccarat a été pris au hasard. Au rond-point de Bir Hakeim où se déroulait cette cérémonie, le capitaine de frégate Barberot a découvert du voile tricolore les cachant, les plaques du rond-point et des avenues du Fezzan, d’El Alamein, du rond-point de Tobrouk… " (Le Populaire de l’Ouest / 19 juin 1950)
Carte d’Afrique du Nord réalisée à partir d’un article extrait de «Historia magazine», n°22
La seconde guerre mondiale n’a pas épargné le nord de l’Afrique. Depuis le 19ème siècle, le continent avait été dépecé par les Etats européens. Pour ne parler que de cette partie nord, les Français étaient en Algérie, au Sénégal, en Afrique Noire ; ils « protégeaient » le Maroc et la Tunisie. L’Egypte était indépendante, mais des troupes britanniques stationnaient sur son territoire ; les Italiens avaient colonisé la Libye et l’Abyssinie (l’Erythrée, l’Ethiopie). De 1941 à 1943, c’est « la guerre du désert ». A partir de la Libye, les troupes germano-italiennes s’attaquent à l’Egypte, afin d’atteindre le canal de Suez et de contourner la Méditerranée. En janvier 1941, les Britanniques prennent Tobrouk et Benghazi. En avril, Rommel, chef des troupes allemandes, et l’Afrikakorps reprennent Benghazi et encerclent Tobrouk. Ils atteignent la frontière égyptienne mais les Britanniques reprennent Benghazi et dégagent Tobrouk. Début 1941, les Britanniques chassent les Italiens de l’Abyssinie ; la brigade française d’Orient des Forces Françaises Libres y participe à la bataille de Keren. A partir du Tchad, les troupes de Leclerc occupent l’oasis de Koufra où elles prêtent, le 2 mars, le « Serment de Koufra » : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos chères couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. »
En mars 1942, les troupes de Leclerc, composées en grande majorité de soldats africains (4 000 pour 600 Européens ) occupent la grande province sud-ouest de la Libye, le Fezzan. Les troupes commandées par le général français Kœnig (essentiellement des Républicains espagnols) défendent Bir Hakeim, ce qui permet aux Britanniques de dégager El Alamein, ville égyptienne à mi-chemin du canal de Suez, mais elles doivent évacuer la ville en juin sous la pression de Rommel, qui reprend Tobrouk. Rommel est chassé d’El Alamein en octobre par l’armée de Montgomery. En novembre, les Anglais et les Américains débarquent en Algérie, tandis que les Allemands et les Italiens occupent la Tunisie. Le général Giraud prend le commandement des Forces Françaises en Afrique du Nord. Les Britanniques prennent à nouveau Tobrouk, et les Français Bir Hakeim. En janvier 1943, Leclerc occupe Mourzouck, et à travers le désert libyen, sa colonne rejoint les Britanniques sur la côte. En mars-avril, les troupes alliées expulsent les Allemands et les Italiens de Tunisie. La 1ère Division de la France Libre s’est emparée du village perché de Takrouna, en Tunisie. Deux autres noms évoquent les combats pour la Libération : Pontecorvo, (le Pontecorvo italien, qui a connu de durs combats ? mais le colonel Barberot le situe en Tunisie), et Baccarat, en Lorraine, délivrée par la 2ème D.B. de Leclerc le 31 octobre 1944.
(Ce résumé a été rédigé à l’aide des nombreux récits d’anciens combattants consultables sur divers sites internet).
"Le Ministère de la Culture et de la Communication a engagé depuis plusieurs années une politique de sensibilisation au patrimoine architectural et urbain du XXème siècle dont la connaissance, la conservation et la mise en valeur constituent un enjeu majeur… Ce patrimoine a fait l’objet d’une opération nationale de sensibilisation instituant un label "patrimoine du XXème siècle." (circulaire du Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’Architecture et du Patrimoine, du 1er mars 2001)
L’opération nationale "Label patrimoine XXème" n’a aucune conséquence réglementaire pour les propriétaires concernés et n’entraîne aucune servitude juridique. Il s’agit d’une initiative à but pédagogique tout d’abord qui tente de couvrir, par le choix de quelques exemples sur l’ensemble du territoire régional, un patrimoine remarquable ou représentatif issu de la création architecturale du siècle dernier. Sous l’impulsion de la Direction Régionale des Affaires Culturelles et des Services départementaux d’Architecture et du Patrimoine, un groupe de travail a été constitué afin de dresser une liste indicative d’immeubles susceptibles de bénéficier du label "Patrimoine du XXème siècle".
La cité du Grand Clos fait partie de la liste soumise à la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites (C.R.P.S) du 13 mai 2003 Cette opération peut se concrétiser par l’apposition d’une plaque signalétique sur la façade de l’édifice labellisé, indiquant l’année de construction et le nom de l’architecte.
Le livre intitulé "Architectures et patrimoines du XXe siècle en Loire-Atlantique" édité par la librairie Coiffard détaille l’histoire de ce patrimoine sur le département. Le site internet www. patrimoine-xx.culture.gouv.fr permet d’accéder aux informations pour la France entière.
Quelques ouvrages, études et articles sur le quartier :
• « L’Architecture Française » n° 73-74,1947 • « La ville à livre ouvert. Regard sur cinquante ans d’habitat », Roland Castro, Michel Cantal-Dupart et Antoine Stinco, La Documentation française 1980 • « Michel Roux-Spitz, architecte, 1888 - 1957 », Michel Raynaud, Didier Laroque et Sylvie Rémy. Pierre Mardaga éditeur 1983 • « Réflexions sur le Grand Clos : cadre de propositions », Mairie de Nantes, urbanisme réglementaire, direction générale aménagement et urbanisme novembre, 1995 • « Le Grand Clos : étude pour une protection patrimoniale du quartier », mémoire DESS villes et territoires Nantes, Michel Benoist Gironière, Hélène Forest, Séverine Poirier, Gwenaëlle Thomas et Romàn San Emeterio Pedraja mai 1997 • « Le Grand-Clos : genèse et transformations », Séverine Bochereau, Sophie-Charlotte Carlier et Claudie Chupin, Ecole d’Architecture de Nantes, juin 1997 • « Le Grand-Clos : Propositions pour une protection évolutive », Sophie-Charlotte Carlier et Claudie Chupin, Septembre 1997 • « Les Micro-quartiers nantais Beaujoire, Ranzay, Eraudière. De la croissance urbaine au développement urbain » mémoire MST aménagement, Raphaël Michault, 1999 • « La reconstruction de Nantes», Archives municipales de Nantes, 2003 • « Architectures et patrimoines du XXe siècle en Loire-Atlantique », Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement. Coiffard librairie éditeur, 2006 • Le petit journal de St-Jo http://adminalpac.free.fr • www.pilotiere-pinsec.frCrédits photographiques :
Archives municipales de Nantes : p. 5 (II 160/20) / 17 (13Fi1601) / 19 (25Fi51) / 36 (25Fi5380) / 37 (25Fi120) Monique Lebrun : p. 27 / 28 / 32 / 33 / 39 / 43 / 53 Pierre Bourmaud : p.16 / 22 / 23 / 41 / 50 Louis Le Bail : p.38 Gérard Aubin : p.39Ce livret a été réalisé à l’occasion des 60 ans de l’inauguration des rues du quartier par Monique Lebrun, Jean-Luc et Nado Guilbaud et Louis Le Bail avec la collaboration des Archives municipales de Nantes (service Histoire et mémoires des quartiers).
Cette publication est également disponible sur le site www.archives.nantes.fr / rubrique Histoire des quartiers